Breytenbach notitie#22: "Breyten est le poète le plus traduit, Antjie commence à avoir un public solide". Tweespraak met Georges Lory, vertaler van Breytenbach in het Frans

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Jerzy Koch, Yves T'Sjoen en Georges Lory (Foto door Breyten Breytenbach)

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Il m’a étonné par sa fine connaissance du français, sa capacité d’évaluer toute la charge émotive cachée derrière les mots. (Georges Lory)
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Deel 2

Yves: Opmerkelijk is de uitgave Métamortphase, de in het Frans vertaalde anthologie met Breytenbachs gevangenisgedichten. Dat boek is tot stand gekomen in een samenwerking met de auteur. In onze gesprekken had je het vroeger al over Breytenbachs actieve betrokkenheid bij het vertaalwerk, soms ook de keuze van de gedichten en vooral de wijze waarop in het Frans naar equivalenties wordt gezocht voor het Afrikaans. Kun je meer vertellen over die bemoeienis: maakt Breytenbach de tekstselectie, corrigeert hij vertalingen en/of brengt hij tekstwijzigingen aan? In hoeverre mengt hij zich kortom in de vertaalslag?

Georges: Notre travail sur Métamortphase s’est inscrit dans un contexte particulier. Breyten sortait de sept ans et demi de prison, je rentrais de quatre années en Côte d’Ivoire. Il nous fallait reprendre pied dans la vie en Europe. Nous nous retrouvions tous les mercredis pendant trois mois dans un appartement du Quartier Latin.

Je choisissais des poèmes, Breyten rajoutait parfois des stances qui lui tenaient à cœur. Il m’a étonné par sa fine connaissance du français, sa capacité d’évaluer toute la charge émotive cachée derrière les mots.

Ce fut une expérience très stimulante. En présence de l’auteur, on peut formuler des suggestions que l’on n’oserait pas prendre seul. De temps à autre le poète s’éloignait du texte pour que la version française sonne mieux.

C’est la seule fois où nous ayons travaillé ensemble. Depuis lors Breytenbach me laisse libre de travailler à ma guise. Il ne tient pas à être ennuyé par des coups de fils concernant telle ou telle locution. Il m’est même arrivé de me tromper sur un point, mais la solution que j’avais trouvée lui a plu, car elle se référait à un de ses tableaux. J’ai beaucoup de plaisir de travailler avec Breyten, car il me fait confiance quant à l’ordonnancement et les intertitres des recueils. Tout au plus suggère-t-il parfois un texte à rajouter. Il n’a aucune envie de jouer les correcteurs.

(J’ai vécu un autre exercice curieux, la traduction collective. A l’abbaye de Royaumont, en 1997, Antjie Krog et Tatamkhulu Africa ont été invités face à une poignée de poètes français. Chaque poète lisait ses textes dans sa langue, le traducteur décortiquait ensuite chaque strophe, enfin les poètes français proposaient des traductions vers par vers. Inutile de dire que ce processus ne permet pas d’avancer vite…).

Il m’arrive de retoucher des traductions anciennes. Ce fut le cas pour deux poèmes majeurs de Breytenbach: ek sal sterf en na my vader gaan et allerliefste, ek stuur jou ’n rooiborsduif. Ce premier poème me donne des frissons depuis cinquante ans. Le second est considéré par un panel néerlando-sud-africain comme le plus beau jamais écrit en afrikaans. La traduction me laisse cependant un arrière-goût d’inachevé: on pourrait toujours trouver mieux.

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Breytenbach était une grande figure que les médias venaient solliciter pour parler de l’Afrique du Sud : sa brillante pratique du français, son goût des formules paradoxales, son expérience de la prison le rendaient plus populaire que les responsables locaux de l’ANC qui ne parlaient qu’anglais. (Georges Lory)
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Yves: Naast Breytenbach vertaal je onder anderen Dominique Botha (Valsrivier/False River), Charl-Pierre Naudé, Ronelda Kamfer en Antjie Krog. Hoe anders is dit vertaalwerk? Iedere schrijver hanteert een particuliere stijl en idioom, soms een (beelden)taal die onvertaalbaar is. Vooral Breytenbachs gebruik van nieuwe woordsamenstellingen en neologismen, ook de specifieke beeldengrammatica, is voor de vertaler een echte uitdaging. Die teksten zijn onmogelijk woord voor woord te vertalen, de vertaler dient de nodige creativiteit aan de dag te leggen. Kun je vanuit vergelijkend perspectief méér zeggen over het uiteenlopende vertaalwerk in het Frans uit de Afrikaanse letteren?

Georges: La liste des auteurs afrikaans ne s’arrête pas là. Pour l’anthologie Actes Sud UNESCO, pilotée par l’excellent Denis Hirson, je me suis plongé dans les poèmes de Sheila Cussons, Ingrid Jonker, Adam Small, Wilma Stockenström, Charl-Pierre Naudé, Johann de Lange… Dans le cas d’ouvrages collectifs, j’ai traduit une nouvelle de Barto Smit, un chapitre d’André Brink. Je trouve passionnant de découvrir ces univers nouveaux, la façon dont chacun malaxe l’afrikaans.

Depuis 2015, j’ai abordé un autre type de traduction, à savoir les romans policiers de Deon Meyer. Cela fait appel à un vocabulaire différent, voire à une autre langue. En effet le capitaine Cupido, personnage récurrent, s’exprime en kaaps, tandis que son collègue Griessel parle en afrikaans. C’est d’ailleurs ce qui m’a poussé par la suite vers le premier roman de Ronelda Kamfer, Kompoun. Sa version en français sortira en avril 2025 sous le titre Le cantonnement aux éditions Zoé, en Suisse. C’est par défi que je me suis lancé dans l’aventure. Une fois de plus, je manquais de dictionnaire. Un ouvrage trilingue (afrikaans-kaaps-anglais) est encore en préparation. Fort heureusement, l’autrice a répondu régulièrement à mes questions, et Breytenbach, qui a grandi dans un environnement métis à Wellington, sait fournir des explications utiles (par exemple slam = musulman). Non seulement le roman regorge d’expressions peu compréhensibles, mais encore le thème (une adolescente tabassée par son père) met le traducteur mal à l’aise. J’ai lu qu’il s’agit d’un des vingt meilleurs romans jamais écrits en afrikaans. Je suis curieux de voir quelle sera la réaction du public francophone à la sortie livre. Il s’apparente au choc que fut jadis, pour le cinéma, le film d’Ettore Scola Brutti, sporchi e cattivi.

Antjie Krog et Georges Lory (Photo par Izak de Vries)

Quand je traduis Breyten, je suis emporté par son lyrisme, son art d’inventer des métaphores, de jouer avec les couleurs. Dans tous les coins du ciel, il case des oiseaux, des anges, le souffle du vent. Chez Antjie, je suis sidéré par son audace à Paternoster, son féminisme direct (‘God het tiete en ’n poes’), sa rage contre la pauvreté. Plusieurs fois, nous avons psalmodié à deux voix en deux langues O brose aarde, ’n misorde vir die nuwe verbond. Avec Ronelda, je découvre un monde carrément inconnu, celui des jeunes Métis des années 1990, avec son cortège de drogues et de violences. Chaque fois qu’il me faut lire en public son Pick 'n Pa (remarquablement traduit en français par P-M Finkelstein par La foire aux pères), j’ai la gorge qui se noue.

Oui, les néologismes créés par Breyten sont une gageure. Ils procurent aussi un vrai plaisir quand on trouve une formule bien adaptée. De façon générale, l’afrikaans, langue jeune et malléable, se prête mieux que le français à la création de mots nouveaux.

(Nota: ma spécialité est de traduire des auteurs sud-africains, cela inclut des écrivains anglophones (Matshikiza, Mphalele, Gordimer, Coetzee, Ndebele, Vladislavic, Lebo Mashile), cela s’étend aussi à un auteur (et ami) néerlandais Adriaan van Dis qui a subtilement décrit les premiers changements en Afrique du Sud à la fin des années 1980, Het beloofde land.

Il me plait de rendre à destination du public francophone toute l’intensité de cette littérature, riche, variée, poignante. Ces ouvrages respirent l’urgence, tout semble question de vie ou de mort. Précisément, il m’est arrivé avec The Death of Jesus de John M. Coetzee, de traduire une fable dont je ne saisis toujours pas le sens.)

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Breyten, comme tu le sais, est graphomane, je n’arrive même pas à lire tout ce qu’il produit. S’il fallait choisir un recueil particulier, je prendrais probablement Die windvanger. (Georges Lory)
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"Je n’arrive même pas à lire tout ce qu’il produit." (Photo par Izak de Vries)

Yves: Mocht je van Breytenbach nog een titel willen vertalen – zijn alle uitgaven van poëzie en proza in vertaling trouwens jouw eigen keuze, door jou aangebracht bij literaire uitgevers? – welk boek zou je dan in het Frans willen zien verschijnen?

Georges: Ta question est intéressante, car j’estime que l’on traduit bien ce que l’on ressent bien. Comme j’ai souvent l’impression que je serai incapable de rendre en français certains strophes de Breyten, je me réjouis qu’il me laisse picorer parmi son gros millier de poèmes. Pour l’heure, hormis Outre-voix, recueil court, je ne me suis jamais attaqué à un livre en entier. Breyten, comme tu le sais, est graphomane, je n’arrive même pas à lire tout ce qu’il produit. S’il fallait choisir un recueil particulier, je prendrais probablement Die windvanger.

Colloquium Breytenbach

Yves: Breytenbach is zonder meer de meest vertaalde Zuid-Afrikaanse dichter in het Frans. Hoe wordt het werk ontvangen in de Franse media? Lezers vertrouwd met een andere literaire traditie en ook met andere verwachtingen omtrent buitenlandse literatuur (in het Frans), lezen het werk op divergente wijze in vergelijking met het Afrikaanstalige lezerspubliek. Volg je de receptie en zie je bepaalde patronen opduiken die afwijken van de kritische ontvangst in Afrikaanse en Engelse media?

Georges: Breyten est le poète le plus traduit, Antjie commence à avoir un public solide. Mais de tous les auteurs sud-africains, c’est André Brink qui a connu le plus grand succès en France. Son aura a commencé avec ’n Droë wit seisoen (Prix Médicis étranger 1980) et s’est étoffée avec ses grands romans historiques. Il passait très bien à la télévision. On peut affirmer que grâce à lui des milliers de lecteurs français ont pris conscience des atrocités de l’apartheid.

Longtemps, Breytenbach était une grande figure que les médias venaient solliciter pour parler de l’Afrique du Sud : sa brillante pratique du français, son goût des formules paradoxales, son expérience de la prison le rendaient plus populaire que les responsables locaux de l’ANC qui ne parlaient qu’anglais.

Au cours des rencontres organisées par Bruno Doucey, j’ai pu constater que le charisme de Breyten reste intact. Il convient de relativiser un point: la diffusion de la poésie dans mon pays demeure encore modeste.

Colloquium Breytenbach

Yves: Veel dank voor het gesprek, Georges. We spreken elkaar op het symposium ‘“Salig is die vertalers?” Vertalingen en uitwisselingen tussen Kaaps, Nederlands en andere talen’ (Universiteit van Luik, 25 oktober 2024, https://www.cliv.be/symposium-salig-is-die-vertalers-liege-universite/).

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